Messagepar Chriscal » 02 sept. 2018 22:05
Lors d'une de mes déambulations dans les serres du CTH, Laurent m'a expliqué deux phénomènes liés aux tomates extrêmement intéressants.
Je suis apte à comprendre, mais pas à assimiler et à restituer. Donc, muni d'un enregistreur, je lui ai demandé de me les réexpliquer, ce qu'il a fait de bonne grâce, moi toujours incapable de retenir ses propos. Rentré à la maison, je me suis rendu compte que, suite sans doute à un faux mouvement, mon enregistreur s'était arrêté au bout de 15 secondes. Je ne vous dis pas ma rage…
Aujourd'hui, lors de la fête de la tomate, j'ai pu lui voler quelque minutes pour qu'une fois encore il m'explique les choses. Ce coup-ci, cela a fonctionné et je peux donc vous livrer ses réflexions :
Les traces brunâtres que l’on trouve parfois au cul des tomates et qui, selon certaines rumeurs, signifieraient que le fruit est hybridé…
Ah oui, il s’agit de la cicatrice pistillaire, en fait cela représente la forme de l’attache entre le pistil et l’ovaire, c’est l’ovaire qui va donner la tomate quand elle va mûrir. Chez une tomate, généralement le pistil est plus court que les étamines, donc il est caché à l’intérieur du cône formé par les étamines, mais, dans certaines conditions, et entre-autre quand les fleurs n’ont pas la forme habituelle mais sont double, fasciées ou difformes, le pistil a tendance à sortir par le dessus ou par les côtés du cône d’étamines, et donc à ce moment là si le sommet du pistil n’est plus planqué à l’intérieur des étamines, il peut être réceptif au pollen qui viendrait d’une autre variété de tomate qui serait transporté par les bourdons. Tandis que, quand les bourdons pollinisent une fleur de tomate classique normale, ils font vibrer la fleur pour faire tomber du pollen, et le pollen des étamines tombe à l’intérieur de la fleur, sur le pistil qui est planqué à l’intérieur. Donc là, on n’a pas de croisement, par contre si le pistil était visible à l’extérieur du cône des étamines, on peut avoir, statistiquement, plus de croisement, s’il y a des insectes en tous cas qui ont visité la fleur.
D’accord, mais alors cela ne veut pas dire que systématiquement lorsqu’il y a une cicatrice, le fruit est hybridé ?
Mais non, cela dépend si un bourdon est passé et qu’il était passé avant sur une autre variété et qu’il était bien chargé en pollen et qu’il s’est secoué sur la fleur suivante, cela fait beaucoup de « si », donc on ne fait qu’augmenter la probabilité que… Et de toute façon, toutes les graines ne seront probablement pas hybridées parce qu’il peut quand même avoir du pollen de la même fleur qui tombe au-dessus. Bon, maintenant, si le pistil est complètement torché et qu’il est bien loin, si je peux dire, si le stigmate au sommet du pistil est bien loin des étamines, on peut imaginer qu’il y ait peu de chance pour que du pollen de la même fleur lui tombe dessus, et dans ce cas, toutes les graines qui seront formées viendront de pollen qui vient de l’extérieur. On aurait alors que des hybridations dans les graines de cette tomate-là. Mais si on fait un « melting pot » de toutes les tomates avec des fleurs un peu malfoutues dont on retrouve la trace dans la cicatrice pistillaire, bah c’est quelques pourcents en moyenne, même avec les bourdons.
Voilà qui coupe court à pas mal de « on dit » et de rumeurs.
Les tomates vertes et les tomates noires ont quelque chose en commun…
En fait, une tomate noire, du point de vue des gènes qui contrôlent la couleur, c’est une tomate verte avec, en plus, le gène de la synthèse du lycopène, le caroténoïde classique de la tomate. Donc une tomate noire, c’est une tomate rouge plus verte et le vert, c’est la chlorophylle qui n’est que partiellement dégradée pendant la maturation. Chez presque toutes les variétés de tomates, quand la tomate commence à maturer, à fabriquer des caroténoïdes, en même temps la chlorophylle est détruite et donc le colorant vert disparait. Mais il existe un gène qui permet à la tomate de conserver cette chlorophylle, peut-être pas tout-à-fait intacte, mais peu dégradée, donc elle reste verte.
Dans les tomates vertes, il n’y a pas de caroténoïde, donc on ne voit que la chlorophylle, donc c’est bien vert. Chez les tomates noires, il y a la chlorophylle plus le lycopène qui est rouge/rose, le mélange de vert et de rouge/rose donne ce rouge foncé que l’on interprète comme tomate noire, tomate brune, tomate pourpre… Tout cela, c’est la même qualité au niveau de la chair. Il y a les tomates pourpre qui ont un épiderme transparent, donc on voit à travers l’épiderme la vraie couleur de la chair, tandis que pour les tomates noires, l’épiderme est jaune et ce filtre se surimpose à la couleur rose/mauve qui est en dessous et le mélange, cela donne vraiment la tomate brune que l’on appelle noire.
Comme, apparemment, le profil aromatique des tomates est dû, entre autres, aux produits de dégradation des colorants et à des voies de synthèse qui se croisent avec celles des pigments, le profil aromatique de la tomate verte dû, pas à la chlorophylle elle-même, mais à certaines voies métaboliques qui sont liées à celles de la chlorophylle, se maintient de la même façon chez les tomates vertes que chez les tomates noires, puisque la chlorophylle se maintient chez les deux, donc les odeurs et les goûts qui y sont associés se retrouvent, partiellement, chez les deux.
Une fois de plus, comment veut-tu que je retienne tout cela ?
La première phrase, la dernière phrase, entre les deux c’est que des bêtises…