De la fleur au fruit

Arbres et arbustes fruitiers de nos jardins

Modérateurs : ventmarin, jeanmi22, JCBora, verger, grumpy

Chriscal

De la fleur au fruit

Messagepar Chriscal » 17 avr. 2019 03:22

De la fleur au fruit

Un chemin parsemé d’embuches

André SANSDRAP, Chargé de cours honoraire, Haute-Ecole Charlemagne, GEMBLOUX


1_DxO_1.jpg


Un très grand nombre de plantes sont cultivées en vue d'en récolter les fruits et/ou les graines. Dans les régions à climat tempéré, il peut s'agir d'arbres ou d'arbustes qui produisent des fruits charnus ou secs : fruits à pépins, fruits à noyau, baies et petits fruits, châtaignes, noisette ou noix, ou encore de plantes sarmenteuses (vignes, ronces et framboisiers, Actinidia). Il peut s'agir aussi de plantes herbacées portant des légumes-fruits charnus (par exemple plusieurs Solanacées et Cucurbitacées), des faux-fruits (les fraisiers), d'organes contenant des graines (par exemple les Fabacées et certaines Brassicacées). Sans oublier les céréales, le quinoa et le sarrasin. La liste est loin d'être complète ! Il faut y ajouter aussi la production de graines à semer. Cette question avait été évoquée dans un article antérieur (« La Sibérie » n°26-avril 2009). Nous nous limiterons ici aux fruits charnus et secs produits sous notre climat par es arbres, arbustes et plantes sarmenteuses, et destinés à l'alimentation humaine. Dans tous les cas, le point de départ du fruit récolté est une fleur qui, sauf quelques rares exceptions, devra avoir été fécondée selon le cas soit par son propre pollen, soit par celui fourni par une autre plante de la même espèce. Ensuite, si les conditions sont favorables, il se formera un fruit, qui est l'objectif final de la culture.

LES FLEURS = LE POINT DE DÉPART

1_DxO_2.jpg


On peut rencontrer chez nos espèces fruitières différents types de fleurs. La majorité d'entre elles sont des fleurs hermaphrodites, qui présentent à la fois des organes mâles (étamines productrices de pollen) et des organes femelles (ovaires contenant des carpelles portant des ovules). C'est le cas des fruits à pépins, des fruits à noyau, des petits fruits et des vignes. D'autres espèces dites « monoïques » présentent des fleurs unisexuées, soit mâles soit femelles, portées à des endroits différents sur la même plante : c'est le cas chez les châtaigniers, les noisetiers et les noyers. Enfin, il existe des espèces dites « dioïques » chez qui les fleurs unisexuées sont portées par des plantes différentes, les unes mâles et les autres femelles. C'est le cas des Actinidia (kiwis et kiwaïs). Chez les plantes monoïques et dioïques, il va de soi que les fruits sont issus des fleurs femelles. Selon les espèces, les fleurs sont soit solitaires (cognassier, néflier, pêcher...), soit groupées en inflorescences de différents types : grappes simples (groseilliers) ou composées (vignes) ; chatons (inflorescences mâles des châtaigniers, noisetiers et noyers), corymbes (pommiers, poiriers), ombelles (cerisiers et pruniers).

OÙ LES FLEURS APPARAISSENT--ELLES ?

Les fleurs ou les inflorescences se présentent sur des axes végétatifs de différents âges : en position terminale sur des pousses de l'année-même (cognassiers, néfliers, framboisiers d'automne) ; en position latérale sur des pousses de l'année-même (vignes, Actinidia) ; en position latérale sur des pousses de l'année précédente (fruits à noyau, cassis, groseilliers épineux, framboisiers d'été...) ; en position terminale sur des pousses de l'année précédente (myrtilles) ;sur des pousses très courtes portées par du bois de deux ans et plus (groseilliers à grappes et épineux, pommiers, poiriers). Dans certains cas, les pommiers et poiriers présentent aussi des fleurs en position terminale ou latérale sur le bois de l'année précédente.

1_DxO_3.jpg


Comme on le voit, la floraison de nos espèces fruitières présente une grande diversité de structures et de localisations : une chose qu'il convient de connaître si on veut réaliser une taille fruitière judicieuse. Au fil du temps, les raisons pour lesquelles des méristèmes végétatifs qui produisent des pousses feuillées modifient leur « programme » et donnent naissance à des fleurs ou des inflorescences, ont reçu différentes explications non entièrement satisfaisantes.

5_DxO_1.jpg


On a évoqué des facteurs nutritionnels (rapport C/N), l'existence d'une hormone « florigène », puis des équilibres entre les différentes hormones végétales. La vérité est plus complexe, faisant intervenir à la fois la nutrition et les équilibres hormonaux. Chez nos espèces fruitières, le photo-thermopériodisme ne semble pas en causes dans l'induction florale, comme chez certaines plantes herbacées (les fraisiers par exemple).

LA FLORAISON = UN PROCESSUS SENSIBLE

5_DxO_2.jpg


Une fois que la dormance des plantes a été levée par le froid hivernal, dès que la température de l'air et du sol s'élève, le système radiculaire et les bourgeons entrent en activité. Ces derniers gonflent, puis éclatent ; les fleurs apparaissent puis s'épanouissent. Cette évolution de la phénologie a été codifiée ; les différents stades successifs ont reçu un numéro, une lettre ou une dénomination pratique plus évocatrice. Au printemps, la chronologie des floraisons des différentes espèces se produit dans un ordre immuable, même si elle varie fondamentalement selon la température ambiante. Les espèces à noyau fleurissent les premières, dès le mois de mars et en avril: pêchers, puis pruniers et cerisiers. Puis viennent dans la seconde moitié d'avril les poiriers, et ensuite fin avril et début mai les pommiers. Plus tard viendront les cognassiers et néfliers, les vignes et les Actinidia. Au sein d'une même espèce, il peut y avoir de grandes différences des dates de floraison entre les variétés ; il faudra en tenir compte pour associer des variétés à fécondation croisée qui fleurissent simultanément. Chez les pommiers et poiriers, il peut aussi y avoir sur un même arbre des différences selon l'âge des rameaux porteurs : en premier lieu, floraison du bois âgé, puis du bois d'un an en position terminale et enfin en position latérale. Chez les espèces monoïques, on peut aussi observer des différentes chronologiques de floraison selon le sexe des fleurs. Ce phénomène est appelé « dichogamie » avec « protandrie » si la floraison mâle apparaît en premier, ou « protogynie » dans le cas inverse. Il oblige à associer deux variétés différentes : le pollen de l'une fécondera les ovules de l'autre ; le cas idéal serait qu'il y ait réciprocité ! Chez les espèces dioïques, il conviendra d'associer à la variété femelle une variété mâle qui fleurit au même moment.

LA FECONDATION = UNE CONDITION NECESSAIRE

Dans la très grande majorité des cas, la formation d'un fruit et de graines suppose que la fleur ait été fécondée par apport de pollen de la même espèce. La pollinisation, c'est-à-dire le transfert du pollen se fait sur des distances qui varient de quelques millimètres en cas d'autofécondation, à plusieurs mètres. Chez nos espèces fruitières, elle est assurée dans une très faible mesure par le vent, et principalement par différents insectes butineurs : abeilles domestiques, abeilles sauvages, bourdons, syrphes... dont l'activité dépend étroitement des conditions climatiques (température, humidité, vent...). Dans des conditions peu favorables, les abeilles sauvages qui y sont moins sensibles, peuvent jouer un rôle primordial. L'identité du pollen joue un rôle important dans la réussite de la fécondation, et dans tous les cas, la pollinisation doit intervenir lorsque les organes femelles sont réceptifs. Il y a « autogamie » lorsque la fécondation peut être assurée par le pollen de la variété-même. C'est le cas chez les pêchers, les griottiers, la plupart des petits fruits, la vigne, les cognassiers, certains pruniers et quelques variétés de cerisiers à fruits doux. Par conséquent, une plante seule peut parfaitement fructifier. Il y a « allogamie » lorsque la fécondation est assurée par le pollen provenant d'une autre variété. Cette allogamie est dite « obligatoire » si le pollen de la variété-même ne peut en aucun cas féconder ses propres ovules. C'est la règle générale chez les pommiers et les poiriers, chez certains pruniers et la plupart des cerisiers à fruits doux. Elle est dite « chronologique » chez les espèces monoïques en cas de dichogamie. Il se dit que chez certaines plantes autogames, le pollen d'une autre variété induirait un taux de fécondation meilleur que le pollen-propre.

Le climat : un facteur essentiel !

A côté de l'identité du pollen, les conditions climatiques jouent un rôle important dans la réussite de la fécondation des fleurs. Une fois que des grains de pollen ont été déposés sur les stigmates des fleurs, ils doivent germer, puis émettre chacun un long tube qui descend dans le canal central du style et atteindre finalement le sac embryonnaire où se produira la fécondation. La température ambiante joue un rôle très important dans cette « course de vitesse » qu'est la croissance des tubes polliniques, puisqu'ils doivent atteindre des ovules lorsque ceux-ci sont encore réceptifs. Il existe à cette obligation en vue d'obtenir un fruit, de former des graines par fécondation, une exception qui concerne les poiriers. On appelle ce phénomène « parthénocarpie » ; l'ovaire de la fleur se développera en un fruit qui sera dépourvu de graines. Bien qu'il s'agisse d'une exception parmi les milliers de variétés de poires existantes, cette aptitude a été retenue puisque même lorsque les fleurs ont été endommagées par des gelées tardives, un certain nombre d'entre elles évolueront néanmoins en un fruit. C'est par exemple le cas chez 'Conference', `Bon Chrétien Williams', 'Louise Bonne d'Avranches', `Durondeau', 'Beurré Alexandre Lucas' et légipont'. Cette tendance peut être renforcée par des traitements avec une hormone végétale : l'acide gibbérellique. La parthénocarpie existe aussi chez certaines variétés de vignes : elle permet d'obtenir des raisins sans pépins

7_DxO_1.jpg


LE DÉVELOPPEMENT DES FRUITS = L'OBJECTIF FINAL

Selon leur structure, on distingue différents types de fruits, soit charnus : les baies et les drupes, soit secs : les akènes. Les baies sont des fruits qui contiennent une ou plusieurs graines libres dans leur chair. Ils sont entièrement comestibles. C'est le cas du raisin, des différentes groseilles et des kiwis et kiweis. Chez les drupes, la graine est contenue dans une enveloppe lignifiée, l'endocarpe, qui la sépare de la chair. Seule la chair est utilisée. C'est le cas de tous les fruits à noyau : abricots, amandes, cerises, pêches, prunes, ainsi que des noix. Les polydrupes sont des fruits composés de plusieurs drupes agglomérées autour d'un réceptacle. C'est le cas des mûres portées par des ronces, et des framboises. Les fruits à pépins : poires, pommes, coings et nèfles sont des cas particuliers : leur enveloppe cartilagineuse contenant les graines est entourée d'un large tissu charnu qui provient à la fois du réceptacle floral et de la paroi de l'ovaire, qui sont intimement soudés et constituent la partie comestible. Les fruits secs, les akènes, contiennent une seule graine, non soudée à leur paroi externe lignifiée, qui est la partie comestible. C'est le cas des châtaignes et des noisettes.

Un processus en plusieurs phases

Dès que la fécondation a eu lieu, l'ovaire des fleurs nouées change d'aspect : il commence à grossir, et dans le cas des fruits à pépins, prend une coloration verte plus foncée. La division des cellules est très intense. Cette phase dure 3 à 6 semaines chez les pommes, un peu plus chez les poires. Elle est plus courte chez les fruits à noyau. Elle est d'autant plus active que la température de l'air est élevée, puis elle s'atténue. A ce moment, le jeune fruit augmente de volume parce que les cellules s'agrandissent. Le graphique présente une courbe théorique de grossissement des fruits à pépins et à noyau : sigmoïde pour les premiers et double sigmoïde avec un palier qui correspond à la formation du noyau pour les seconds. La température et l'alimentation en eau et en éléments nutritifs influencent cette phase dont la durée est très variable selon les espèces et les variétés. La présence de graines stimule le grossissement des fruits. Ensuite, le grossissement des fruits devient moins intense ; on entre dans la phase dite de « maturation », caractérisée par des changements de coloration de l'épiderme, et principalement par des modifications physiques, chimiques et physiologiques : diminution de la fermeté de la chair, transformation de l'amidon en sucres, diminution de la teneur en acides, développement des arômes, émission d'éthylène... Chez les fruits dits « climactériques », reprise de la respiration après qu'elle ait diminué progressivement (voir à ce sujet notre article « Le goût des fruits », « La Sibérie » n°65 — novembre 2018. Les fruits climactériques sont les fruits à pépins et les fruits à noyau (excepté les cerises) ; les fruits non climactériques sont les raisins, les cerises et les myrtilles. En pratique, des fruits non climactériques se dégradent dès qu'ils sont détachés de la plante. Ils devront être récoltés lorsqu'ils ont développé une qualité organoleptique optimale, et leur dégradation peut être ralentie quelques jours par leur mise au frais. Par contre, la qualité gustative des fruits climactériques continue à s'améliorer après la cueillette. On les récoltera à un stade plus ou moins avancé en fonction de leur destination. Par exemple, les fruits à consommer rapidement seront cueillis tard et les plus mûrs possible, tandis que ceux que l'on souhaite conserver plus longtemps, au frais, devront être récoltés plus tôt.

7_DxO_2.jpg


EN CONCLUSION, ET A RETENIR…

Le laps de temps qui s'écoule entre la fécondation des fleurs et la récolte des fruits mûrs est très variable selon les espèces et les variétés. Par exemple, il est de 80 à 90 jours pour des cerises et de 90-100 à 175 jours pour des pommes. Pendant toute cette période, le bon déroulement des différents processus qui aboutissent à la formation d'un fruit sur un arbre sont influencés par différents facteurs internes : principalement l'alimentation en eau, en sève brute (=éléments minéraux) et en sève élaborée (composés organiques issus de la photosynthèse). Ceci implique au niveau du sol la disponibilité en eau et en éléments minéraux, ainsi qu'une bonne activité du système radiculaire. Dans la partie aérienne, cela demande un bon état sanitaire du feuillage et un bon éclairement dans la couronne, gages d'une bonne activité photosynthétique. Les paramètres du climat, principalement la température, ont constamment un rôle essentiel. Une floraison abondante est généralement considérée comme nécessaire. Or si l'on évalue le pourcentage de fleurs ayant abouti à la formation d'un fruit récolté, force est de constater qu'un petit nombre de fleurs peut suffire à assurer une production satisfaisante en quantité et en qualité.
Entre le nombre initial de fleurs et le nombre final de fruits, plusieurs soustractions vont avoir lieu :
* le taux de nouaison = pourcentage de fleurs non fécondées ;
* la chute de juin = nombre de jeunes fruits mal fécondés ou en surnombre ;
* l'éclaircissage manuel = les fruits en surnombre après la chute de juin.

On considère que pour des pommiers haute-tige adultes, un taux global de 3% est satisfaisant, tandis que dans un verger intensif en début de phase adulte, il doit être minimum de 8 à 16%. Pour des cerisiers à fruits doux, le chiffre de 10% a été proposé, alors que d'autres spécialistes évoquent 50 à 100% ! Pour des variétés auto-fertiles, un taux plus faible serait souhaitable afin d'obtenir un calibre satisfaisant. Encore faut-il mettre tout en œuvre pour maintenir ces taux de fructification et espérer que les facteurs du climat ne joueront pas un rôle perturbateur.

9_DxO_2.jpg


Article extrait de "La Sibérie", numéro 66 - avril 2019, magazine trimestriel du Centre Technique Horticole de Gembloux

Avatar du membre
ventmarin
Messages : 2972
Enregistré le : 08 août 2011 12:51
Localisation : 66510 Saint Hippolyte
Contact :

Re: De la fleur au fruit

Messagepar ventmarin » 17 avr. 2019 05:28

Merci
mis en marque page immédiat sur mon micro. plein de détail à relire.

Sur le sujet OÙ LES FLEURS APPARAISSENT--ELLES ? me fait penser que pour nos fiches nous pourrions être plus précis et décrire les différents types d'organisation des fleurs
Grappes simples
grappes composées
Chatons
Corymbes
Ombelles simples
Enfin question ? sympa ce titre "Sibérie"...… il fait si froid à Gembloux ?

Chriscal

Re: De la fleur au fruit

Messagepar Chriscal » 17 avr. 2019 07:25

Je ne connais pas l'historique, mais il se fait que l'adresse officielle du CTH se situe Chemin de Sibérie :mrgreen:

Avatar du membre
Espiets
Administrateur - Site Admin
Messages : 61172
Enregistré le : 17 août 2006 16:46
Localisation : haute-garonne sud (600m)
Contact :

Re: De la fleur au fruit

Messagepar Espiets » 17 avr. 2019 09:39

moi aussi, je me marque cette page.
Et ouiiiiiiii ! idée géniale sur les fleurs Ventmarin . Il suffit d'adapter les nouvelles fiches et petit à petit reprendre les anciennes, l'hiver, lorsqu'on a plis de temps.
Béatrice
Puissiez vous récolter au centuple ce que vous avez semé .
Liste de partage


Retourner vers « Nos fruitiers . »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 2 invités